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PATRIMOINE

Changement de régime matrimonial : un instrument de stratégie patrimoniale

Le régime matrimonial a pour objectif d'encadrer et d'organiser les rapports tant juridiques qu'économiques entre les époux pendant leur mariage. Il encadre notamment la répartition des biens des conjoints et de manière générale la gestion et la disposition de leur patrimoine. Au moment du mariage, les époux peuvent librement opter pour la mise en place d'un contrat de mariage. A défaut, le régime légal de la communauté réduite aux acquêts s'appliquera. Probablement adapté à l'origine de leur union, le régime matrimonial peut s'avérer inadéquat face aux changements de situations familiales et/ou professionnelles. La stratégie d'adaptation, voire de changement du régime matrimonial, peut également être envisagée dans un souci de protection du conjoint survivant et en amont d'une transmission de patrimoine à la génération suivante.

Rappel des principales caractéristiques des régimes matrimoniaux

On distingue deux grandes catégories de régimes matrimoniaux, à savoir les régimes dits communautaires et les régimes dits séparatistes.

Au sein des régimes « communautaires », l'ensemble des biens sont communs, hormis ceux acquis avant le mariage ou reçus par donation/succession (cas du régime légal) ou encore ceux que les époux souhaitent conserver en tant que biens propres (cas du régime de la communauté universelle).

Au contraire, au sein d'un régime séparatiste, la distinction entre les biens propres et indivis encadre la gestion et l'administration du patrimoine du couple tout au long de leur union.

En cas de divorce ou de décès, chacun des époux conserve ses biens propres ainsi que la quote-part qu'il détient sur les biens indivis.

Les modalités du changement de régime matrimonial

Consentement des époux

Il est évidemment nécessaire que les époux soient consentants pour aménager ou changer de régime matrimonial. Ce consentement doit être maintenu sur toute la durée de la procédure d'homologation du changement de régime (cf. ci­après).

 

Préservation de l'intérêt de la famille

Le changement de régime matrimonial était, préalablement, soumis à l'homologation du juge des tutelles. La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a considérablement tempéré cette exigence. Il est désormais laissé à la discrétion du notaire l'opportunité de soumettre au juge l'acte constatant le changement de régime matrimonial.

 

Protection des tiers

La modification ou le changement de régime matrimonial ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers (créanciers notamment). En ce sens, les époux ne peuvent, par l'intermédiaire d'un changement de régime matrimonial (passage d'un régime communautaire à un régime séparatiste), organiser l'insolvabilité de l'un d'eux, voire du couple.

Le notaire sera dans l'obligation de lancer une procédure d'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial dans le cas où il lui serait formulé une opposition. Cela concerne l'opposition qui serait formée par les enfants majeurs de l'un ou l'autre des époux, et/ou des créanciers du couple.

Entre les époux, le changement de régime matrimonial prend effet à la date de l'acte ou du jugement d'homologation. A l'égard des tiers, il ne prendra effet qu'après trois mois suivant la mention portée en marge de l'acte de mariage.

 

Le processus

À tout moment, les époux peuvent décider de modifier ou de changer leur régime matrimonial. Avant la mise en application de la loi pour la réforme de la justice du 23 mars 2019, il fallait respecter un délai d'application du régime matrimonial en cours de deux ans.

Ce changement de régime matrimonial est nécessairement réalisé auprès d'un notaire. En sus de préciser si les époux passent d'un régime communautaire à un régime séparatiste (ou l'inverse), l'acte notarié devra préciser les modifications apportées au régime matrimonial.

Dans le cas du passage d'un régime communautaire à un régime séparatiste. Ce changement de régime matrimonial n'emporte pas immédiatement le partage des biens entre les époux, celui-ci pouvant intervenir ultérieurement. Les biens resteront en indivision 50-50 si les époux ne procèdent jamais au partage.

 

Les frais induits par le changement de régime

Le changement de régime matrimonial nécessite l'établissement d'un contrat de mariage et par conséquent la nécessaire intervention du notaire. Les frais varieront en fonction de l'ampleur des modifications (apport de certains biens ou aménagement plus global du régime matrimonial). Il convient de distinguer les différentes catégories de frais dans l'opération de changement de régime matrimonial :

  • Frais d’acte : Le coût de l'établissement de l'acte notarié du simple changement de régime matrimonial avoisinera la somme de 500 €.
  • Emoluments notariés : Seul un émolument de 221,46 € est appelé par le notaire lorsque le changement de régime matrimonial n'intègre pas d'apports ou lorsque la valeur des biens déclarée est inférieure à 30 800 €. L’émolument du notaire est proportionnel lorsque la valeur des biens dépasse 30 800 €.

Exemple : A l'occasion d'un changement de régime matrimonial, un couple décide d'apporter à la communauté des actifs d'une valeur de 250 000 €. Pour ce montant d'apport, l'émolument du notaire avoisinera les 800 €.

 

  • Droits d'enregistrement : Depuis le 1er janvier 2020, ces actes sont enregistrés gratuitement. Cependant, en cas d'apport de biens immobiliers détenus en propre ou en indivision par parts inégales entre les époux, un taux proportionnel de 0, 71498 % est appliqué sur la valeur du bien objet de l'apport. S'ajoute la contribution de sécurité immobilière de 0, 10 %. A noter que ces taux ne s'appliquent que sur la quote-part objet du transfert.
  • Droits de partage : Dans le cas où le changement de régime matrimonial créerait une indivision post-communautaire, il s'appliquera un droit de partage au taux de 2,5 % sur la valeur des biens partagés entre les époux.
  • Autres frais : Des frais éventuels d'avocat seront requis en cas d'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial (opposition d'un créancier ou d'un enfant majeur).

Cas pratique d'un changement de régime matrimonial

Dans le cadre d'une détention du patrimoine déséquilibrée entre les époux et, dans un objectif de renforcer la protection du conjoint survivant et d'optimiser la transmission de ce patrimoine à la génération suivante, le changement de régime matrimonial s'avère être une stratégie pertinente à appréhender. Monsieur et Madame DUPONT ont 67 ans tous les deux et sont les parents de deux enfants majeurs. Entrepreneurs, ils avaient opté au jour de leur union pour un contrat de mariage en séparation des biens. Ils ont acquis et reçu (par donation et succession) au cours de leur carrière plusieurs biens immobiliers et financiers dont ils souhaitent désormais anticiper la transmission auprès de leurs deux enfants. Ils n'ont à ce jour réalisé, ni l'un ni l'autre, de donations préalables auprès de leurs enfants.

Ils sont désormais à la retraite et, à ce jour, leur patrimoine est composé de la manière suivante :

Actifs / Passifs Biens propres M. Biens propres Mme Biens indivis (50/50) Total
Actifs immobiliers
-
-
-
1 150 000€
Résidence principale
-
-
300 000€
300 000€
Résidence secondaire
450 000€
-
-
450 000€
Immobilier de rapport
220 000€
180 000€
-
400 000€
Actifs financiers
-
-
-
330 000€
Trésorerie
40 000 €
35 000€
25 000€
100 000€
Assurance vie
90 000€
110 000€
-
200 000€
Placements boursiers
15 000€
5 000€
10 000€
30 000€
Passifs
-
-
-
0€
Total
815 000€
330 000€
335 000€
1 480 000€

Afin d'anticiper la transmission de leur patrimoine immobilier (hormis la résidence principale) en nue-propriété à leurs enfants, l'abattement de 100 000 € en ligne directe par couple parent/enfant sera consommé voire même dépassé du côté de Monsieur DUPONT (101 000 € de masse taxable par enfant après abattement au jour de la donation), alors que celui-ci sera plus faiblement consommé au niveau de Madame DUPONT (utilisation de 54 000 € sur les 100 000 € d'abattement disponible par enfant).

Le coût de la donation, sans prise en compte des émoluments notariés est estimé à près de 37 000 €.

Les époux souhaitent également, compte tenu des investissements réalisés par l'indivision sur l'entretien et la rénovation du patrimoine immobilier propre de chacun, se répartir la propriété 50/50 sur l'ensemble des biens immobiliers.

Ils envisagent d'opter pour un changement de régime matrimonial en communauté universelle (sans attribution intégrale au profit du conjoint survivant) avec adjonction d'une clause de préciput sur l'ensemble des biens immobiliers afin de protéger le conjoint survivant sur la jouissance de ces actifs ainsi que sur sa capacité à prélever, avant tout partage, le ou les biens de son choix.

Monsieur et Madame DUPONT pourront transmettre à leurs enfants la totalité de leur patrimoine immobilier (hormis la résidence principale) en utilisant l'un et l'autre les abattements de 100 000 € disponibles entre parents et enfants.

Le coût de la donation, sans prise en compte des émoluments notariés est estimé à près de 10 000 €, soit une économie de près de 27 000 € avec la situation précédente.

Notre avis

  • Le changement de régime matrimonial est un outil adapté à la protection des époux et à la préparation de la transmission.
  • Afin de se prémunir contre le risque d'abus de droit fiscal, notamment dans le cadre d'une opération de donation, il conviendra de s'assurer en amont de la cohérence plus globale du changement de régime matrimonial.
  • La protection du conjoint survivant pourra également être entreprise par le biais d'un aménagement du régime matrimonial, sans avoir la nécessité de procéder à un changement de ce dernier.

Source : Atout + Finances

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