
FISCALITÉ
Exonération des Plus-Values agricoles : Quand le chiffre d'affaires dicté par le renouvellement des matériels remet tout en question !

Publié le 30.06.2025
Les petites entreprises agricoles et les entreprises de travaux agricoles peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales (MSA) sur leurs plus-values d'actifs. Ce dispositif, bien connu et encadré par l'article 151 septiès du Code Général des Impôts (CGI), s'applique sous certaines conditions liées au chiffre d'affaires.
Cependant, une jurisprudence récente de la Cour Administrative d'Appel de Paris (CAA Paris, 28 mars 2025) vient bousculer l'interprétation des recettes à prendre en compte, notamment concernant les ventes de matériels. Une frontière qui devient de plus en plus floue, et qui pourrait avoir des conséquences significatives pour les exploitants.
Les conditions d'exonération actuelles
Pour bénéficier de l'exonération des plus-values professionnelles, la moyenne du chiffre d'affaires des deux exercices précédents doit être inférieure à un certain seuil.
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Exonération totale : Si le montant moyen des chiffres d'affaires des deux années civiles précédant la réalisation des plus-values est inférieur à 350 000 €.
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Exonération partielle : Au-delà de 350 000 €, une règle de proportionnalité s'applique, réduisant la part exonérée.
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Seuil de taxation à 100% : Au-delà de 450 000 €, la plus-value professionnelle est entièrement taxée.
Il est important de noter que ces seuils ont été revalorisés de 100 000 € pour les clôtures de comptes intervenues à partir de l'année civile 2023, témoignant d'une volonté politique d'accompagnement de la profession agricole.
La jurisprudence récente qui change la donne
Une décision récente de la CAA de Paris vient préciser la notion de "recettes annuelles" à considérer pour le calcul du chiffre d'affaires. Traditionnellement, seules les recettes issues de l'activité normale et courante de l'entreprise étaient prises en compte, excluant les recettes exceptionnelles, comme la cession d'actifs immobilisés.
Vente de matériels agricoles : recette courante ou exceptionnelle ?
La jurisprudence du 28 mars 2025 établit que pour une entreprise de travaux agricoles, les revenus tirés de la vente de matériels agricoles doivent être inclus dans le calcul du chiffre d'affaires, dès lors que ces ventes s'inscrivent dans le cadre habituel de renouvellement des équipements.
Pour la Cour Administrative d'Appel de Paris, la valeur de "reprise" ou de vente des matériels renouvelés ne peut plus être considérée comme un chiffre d'affaires exceptionnel. Le caractère "courant" du renouvellement périodique des équipements justifie leur intégration dans le chiffre d'affaires ordinaire, et ce, même si ces produits sont comptabilisés comme "exceptionnels" dans les règles comptables actuelles.
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: Des plus-values qui auraient été exonérées jusqu'à présent pourraient devenir imposables si le chiffre d'affaires "élargi" dépasse les seuils.
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Contradiction avec les commentaires de l'administration fiscale : Paradoxalement, l'administration fiscale, dans ses commentaires au BOFiP (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 §390), retient une appréciation plus favorable au contribuable, excluant les recettes issues de la cession d'éléments de l'actif immobilisé. Cette contradiction soulève des interrogations sur la pérennité de cette interprétation plus avantageuse.
Les conséquences pour les exploitants
Cette nouvelle interprétation a des implications majeures :
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Augmentation du chiffre d'affaires moyen : Le fait d'inclure la valeur de reprise des matériels dans le chiffre d'affaires courant peut pousser de nombreux exploitants au-delà des seuils d'exonération. Par exemple, le renouvellement de tracteurs de forte puissance pourrait représenter une somme significative à ajouter au chiffre d'affaires annuel, "consommant" une part importante du seuil d'exonération.
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Risque de requalification des plus-values : Des plus-values qui auraient été exonérées jusqu'à présent pourraient devenir imposables si le chiffre d'affaires "élargi" dépasse les seuils.
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Contradiction avec les commentaires de l'administration fiscale : Paradoxalement, l'administration fiscale, dans ses commentaires au BOFiP (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 §390), retient une appréciation plus favorable au contribuable, excluant les recettes issues de la cession d'éléments de l'actif immobilisé. Cette contradiction soulève des interrogations sur la pérennité de cette interprétation plus avantageuse.
Quels enjeux pour la profession agricole ?
Cette décision jurisprudentielle, bien que motivée par le besoin de recettes de l'État, va à l'encontre de la volonté politique affichée de soutien à la profession agricole. L'augmentation récente des seuils d'exonération en 2023, et les mesures spécifiques pour les jeunes agriculteurs en 2024, témoignaient d'une direction différente.
L'intégration des ventes de matériels dans le chiffre d'affaires courant, couplée à l'évolution des règles comptables qui tendent à considérer le produit des ventes d'actifs durables comme des produits courants, renforce le caractère "courant" de ces recettes. Une politique de renouvellement périodique et "groupée" des équipements au sein de l'entreprise ne fera que conforter cette interprétation.
Comment protéger vos exonérations ?
Malgré cette jurisprudence défavorable, des précautions et des principes juridiques et comptables existent pour les professionnels de l'agriculture afin de maintenir l'exonération de leurs plus-values professionnelles sur les cessions d'actifs (et non d'entreprise).
Il est essentiel de se faire accompagner pour analyser votre situation spécifique et mettre en œuvre les stratégies adaptées.
Références : CAA PARIS, 28 mars 2025.
Besoin d'accompagnement ?
Les conseillers et comptables du CERFRANCE Gascogne Occitane sont à votre disposition pour vous éclairer sur la mise en œuvre de ces dispositions et vous aider à optimiser votre fiscalité, toutes autres conditions remplies par ailleurs. N'hésitez pas à les contacter pour une analyse personnalisée de votre situation.
Jacques ARTIS - Responsable fiscal AGC Gascogne Occitane.